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Fouilles de textes et de données en vue d’une exploitation commerciale (« text and data mining ») : comment fouiller de manière licite

Publié 09 septembre 2019

La fin d’un no-man’s land dans la réglementation des bases de données !

L’évolution des techniques permet depuis longtemps de collecter des données et de les organiser dans des bases sur lesquelles leurs producteurs ont des droits bien établis (Directives 96/09/CE du 11 mars 1996 et 2001/29/CE).

Le producteur est entendu comme celui qui prend l’initiative et le risque des investissements substantiels consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans une base[1]

Au titre des droits qui lui sont reconnus[2], le producteur d’une base de données peut interdire :

  • « l’extraction par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie quantitativement ou qualitativement substantielle de contenu» ;
  • « la réutilisation par la mise à disposition du public, de la totalité ou d’une partie quantitativement ou qualitativement substantielle de contenu».

Cependant les droits conférés par cette Directive ne suffisaient plus à faire face à l’évolution rapide des technologies. Celles-ci permettent en effet désormais d’analyser des textes et des données sous forme numérique de manière automatisée afin d’en dégager des informations, des tendances ou des corrélations.

Cadre juridique européen pour la fouille des textes et des données ( « text and data mining ») 

Si l’extraction de données était bien encadrée juridiquement, aucune disposition spécifique n’était prévue pour la fouille de textes et de données.

Pour faire face à ce « vide juridique », les textes ont été adaptés par la Directive UE 2019/790 du 17 avril 2019.

L’objectif est de concilier ces nouvelles évolutions et le développement d’activités de fouilles de textes avec de données et les droits de la propriété intellectuelle couvrant les matériaux fouillés.

Deux nouvelles exceptions au droit d’interdire du producteur d’une base de donnée sont créées.

  • La première vise la fouille à des fins de recherche scientifique :

Cette exception qui vise des usages non commerciaux est subordonnée à un accès licite aux données. Ce qui suppose une autorisation expresse du Producteur ou tacite par une mise à disposition au public en ligne sans restriction d’accès.

Le développement de partenariats entre une société privée et un organisme public n’exclura pas systématiquement cette fouille de cette exception. Il faudra alors que la relation soit envisagée « de telle manière qu’il ne soit pas possible pour une entreprise exerçant une influence déterminante sur cet organisme de bénéficier d’un accès privilégié aux résultats produits par ces recherches scientifiques »[3]. L’interprétation de ces termes promet quelques affaires contentieuses…

 

  • La seconde exception bénéficie à toutes entités publiques ou privées qui pratiquent la fouille :

Ceci intéresse les entreprises. Cette exception autorise l’extraction et le stockage des données pourvu que l’auteur de la fouille des données ait un accès licite à ces données.

Il faut donc impérativement que l’entité qui souhaite procéder à la fouille de données d’une base ait un accès licite, qui sera certainement sous la forme d’une autorisation donnée par le producteur de la base.

Les producteurs ont de leur côté la faculté de limiter ou d’interdire expressément notamment dans leurs contrats, cette activité de fouille. Pour que leur droits soient respectés au mieux, les Producteurs doivent manifester « de manière appropriée » leur volonté quant aux éventuelles limitations ou interdictions : « L’exception ou la limitation s’applique à condition que l’utilisation des œuvres et autres objets protégés [] n’ait pas été expressément réservée par leurs titulaires de droits de manière appropriée, notamment par des procédés lisibles par machine pour les contenus mis à la disposition du public en ligne »[4].

 

La fin du siphonnage gratis ?

L’absence de textes et de régulation a permis à ces activités de se développer mais sans forcément que les producteurs de ces bases ainsi fouillées ne donnent leur accord et encore moins que leur soit versé une contrepartie à cet usage de leurs bases.

La nouvelle Directive UE 2019/790 prévoit la faculté d’une contrepartie à cet usage de fouille:  « Les États membres peuvent prévoir une compensation équitable pour les titulaires de droits pour l’utilisation de leurs œuvres ou autres objets protégés »[5]

 

En résumé,

Pour les entreprises qui souhaitent extraire ou fouiller des textes et des données d’une base, il faut avant toute chose, disposer d’un accès licite à la base de données visée pour l’activité envisagée.

Pour les Producteurs de base, il est recommandé d’indiquer clairement et de manière appropriée (sur le site où cette base est présentée par exemple et y compris par des procédés lisibles par machine), les interdictions ou limitations qu’ils posent à ces extractions ou fouilles.

 

Le cabinet DEGEZ-KERJEAN Avocats est à votre disposition si vous souhaitez extraire ou fouiller des données : Pour que nous formulions votre demande d’autorisation de fouille ou d’extraction de manière précise et limiter ainsi tout litige ultérieur ; Pour vérifier si les termes d’une autorisation couvrent bien votre usage envisagé ; ou pour toute autre question liée à un accès licite ou la rédaction d’un contrat de fouille.

Pour les Producteurs, le cabinet DEGEZ-KERJEAN Avocats est à votre disposition pour rédiger les contrats ou clauses d’interdiction ou de limitation d’usage de vos bases de données ainsi que les autorisations que vous souhaiteriez consentir à titre général ou individuel.

 

Sylvie DEGEZ

[1] Cass 1ere Ch. Civ. 12/11/2015-n°14-14.501

[2] Article L342-1 CPI

[3] Article 2,1,b de la Directive UE 2019/790

[4] Article 4.3 Directive UE2019/790

[5] Article 5.4 de la Directive UE 2019/790