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Réservation de nom de domaine et concurrence déloyale

Publié 08 avril 2016

Le nom de domaine est l’adresse d’un site internet. Il est composé de plusieurs éléments :

  1. Le préfixe : http//:www.
  2. Le radical, qui correspond le plus souvent à une enseigne, un nom commercial, une marque ou une dénomination sociale : exemple dans le nom de domaine « http//:www.degez-kerjean.fr/ » le radical est « degez-kerjean ».
  3. Le suffixe est l’extension d’un nom de domaine : notamment .fr, .com, .net, .org

 

Le caractère distinctif du nom de domaine

 

Dès lors qu’il assure la fonction d’identification d’un site internet, le nom de domaine est un signe distinctif [1].

En effet, grâce au nom de domaine, le site internet d’un commerçant se distingue des sites de ses concurrents et autres commerçants et permet aux internautes d’accéder sans difficulté audit site [2].

Il s’agit de l’identité virtuelle du commerçant.

 

La liberté de réservation d’un nom de domaine

 

La réservation d’un nom de domaine peut être effectuée par toute personne dans le respect de la liberté de communication, de la liberté d’entreprendre et des droits de propriété intellectuelle [3].

 

La réservation d’un nom de domaine est régie par la règle du « premier arrivé, premier servi ».

En effet, l’article L45-1 alinéa 3 du Code des postes et des communications électroniques dispose :

« Sous réserve des dispositions de l’article L. 45-2, le nom de domaine est attribué au demandeur éligible ayant le premier fait régulièrement parvenir sa demande. Un nom de domaine attribué et en cours de validité ne peut faire l’objet d’une nouvelle demande d’enregistrement ».

Si un nom de domaine réservé est indisponible à l’égard des autres demandeurs, rien n’empêche une personne tierce de procéder à l’enregistrement d’un radical identique mais composé d’un suffixe différent. Par exemple : si un nom de domaine en .fr est réservé, le même nom de domaine en .com peut être disponible et susceptible de réservation.

 

Néanmoins, il existe une limite à la réservation d’un nom de domaine. En effet, lors d’une réservation ou d’un renouvellement, un nom de domaine peut être refusé ou supprimé, notamment :

  • s’il est susceptible de porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs,
  • s’il s’agit d’un signe susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur a un intérêt légitime et agit de bonne foi [4];

 

Par conséquent, avant de procéder à la réservation, il est nécessaire de vérifier les marques et autres signes distinctifs antérieurs auxquels le nom de domaine envisagé pourrait porter atteinte.

 

Réservation temporaire du nom de domaine

 

Lorsqu’un nom de domaine est réservé, la réservation est valable pour une durée limitée et doit faire l’objet d’un renouvellement si la personne souhaite le conserver [5].

Si la réservation du nom de domaine n’est pas renouvelée, ce dernier tombe dans le domaine public.

En conséquence, toute personne est susceptible de le réserver, y compris un concurrent, lorsqu’il n’existe pas de signe distinctif antérieur pouvant faire obstacle à cette réservation par une tierce personne.

 

Réserver le nom de domaine d’un concurrent peut être un acte de concurrence déloyale

 

Dans un arrêt de la Cour de Cassation du 2 février 2016 [6], la Société Les Vents du Nord, ayant pour activité principale la vente et la restauration d’instruments  à vent, avait réservé le nom de domaine www.lesventsdunord.fr. La Société Cuivres et bois, qui exerce la même activité et exploite un magasin à proximité, est un concurrent direct de la Société Les Vents du Nord.

Lorsque la réservation du domaine www.lesventsdunord.fr prit fin, la Société Les Vents du Nord ne l’a pas renouvelée. La Société Cuivres et bois a procédé à la réservation de ce nom de domaine le lendemain du jour où il était tombé dans le domaine public et a également réservé quelques jours plus tard le nom de domaine www.lesventsdunord.com.

La Cour d’appel a considéré que les réservations du nom de domaine en .fr, dès le lendemain de la fin sa réservation et du nom de domaine en .com par une Société concurrente exerçant la même activité spécialisée, dans la même ville, à 700 mètres, ne pouvait être un acte fortuit. La Cour estime qu’il s’agit d’un acte « de nature à faire naître une confusion dans l’esprit du public entre les deux Sociétés», commis dans l’objectif de capter la clientèle de la Société Les Vents du Nord [7].

 

Après avoir constaté que le nom de domaine avait bien été exploité par la Société Les Vents du Nord et constituait subséquemment un usage antérieur, la Cour d’appel a retenu que « la Société Cuivre et bois avait commis une faute constitutive de concurrence déloyale » [8].

La Cour de Cassation a confirmé l’arrêt d’appel en rejetant le pourvoi.

 

Cet arrêt particulier démontre que la concurrence déloyale peut également constituer une limite à la réservation d’un nom de domaine, lorsqu’il est manifeste que le demandeur l’envisage dans un but autre, dénaturant le nom de domaine de sa fonction distinctive (en l’espèce, la réservation du nom de domaine tombé dans le domaine public était envisagée par la Société concurrente comme un moyen de captation de clientèle).

 

Olivia BELOUIN, Sylvie DEGEZ

 

[1] J. CHOURAQUI, « Le droit des noms de domaine sur l’Internet ou la notion de marque de fabrique revisitée », RD propr. Intell., déc. 1996, n°70, p.13

[2] G. LOISEAU, « nom de domaine et Internet : turbulences autour d’un nouveau signe distinctif », Recueil Dalloz 1999, p.245

[3] Article L45-1 du Code des postes et des communications électroniques, consulté le 11.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=03361E13AC956A08AB32BE851545AC7A.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006150688&cidTexte=LEGITEXT000006070987&dateTexte=20160311

[4] Article L45-2 du Code des postes et des communications électronique, consulté le 11.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=03361E13AC956A08AB32BE851545AC7A.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006150688&cidTexte=LEGITEXT000006070987&dateTexte=20160311

[5] Article L45-1 du Code des postes et des communications électroniques, consulté le 11.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=03361E13AC956A08AB32BE851545AC7A.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006150688&cidTexte=LEGITEXT000006070987&dateTexte=20160311

[6] Cass. Com. 2 février 2016 « Cuivres et bois c/ Les Vents du Nord », consulté le 11.03.2016, http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4924

[7] Précité, Cass. Com. 2 février 2016 « Cuivres et bois c/ Les Vents du Nord »

[8] Idem