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Dépôt de marque : attention aux libellés de produits et services trop larges !

Publié 03 juin 2020

La préparation et la rédaction de la liste des produits et services (ou libellé) que l’on souhaite désigner par la marque est l’une des étapes les plus importantes lors du dépôt d’une demande de marque.

D’une part, parce que le libellé correspond à l’étendue de la protection de la marque et d’autre part, parce que la jurisprudence se montre de plus en plus exigeante concernant la clarté et la précision du libellé.

 

L’exigence de clarté et de précision du libellé de produits et services

Lors du dépôt d’une demande de marque auprès des offices nationaux ou européens, les déposants peuvent consulter la classification de Nice composée des 45 classes de produits et services pour préparer leur libellé.

Pour chaque classe, un « chapeau » est prévu contenant des indications générales listant les principaux produits ou services contenus dans la classe concernée.

Lors de la rédaction du libellé, par facilité notamment, la tentation est alors grande pour un déposant néophyte de piocher dans ces chapeaux (ou intitulés) et de les reproduire sans les adapter à la réalité de son besoin (produits / services à protéger).

 

Gare aux chapeaux ou intitulés des classes

Depuis la jurisprudence IP TRANSLATOR de 2012, ces indications générales contenues dans les chapeaux sont souvent considérées comme imprécis, trop vagues ou trop larges par les juridictions et désormais par les offices.

Des termes pourtant contenus dans la classification peuvent devenir un sérieux écueil à l’enregistrement de la marque ou a minima déclencher une objection des offices.

Des termes auparavant acceptés par les offices tels que « services de vente au détail » (classe 35), les « machines » (classe 7), ou encore les « réparations » (classe 37) sont désormais considérés comme étant des produits et services trop larges par les offices.

 

Risque de refus d’enregistrement ou de déchéance de la marque

Le risque résultant du dépôt d’une demande de marque avec un libellé trop large ou imprécis n’est pas des moindres : l’imprécision ou la non-clarté d’un libellé de produits et services est un motif de refus d’enregistrement de la marque pour les offices.

De plus, si la marque passe avec succès l’examen de l’office et est enregistrée par ce dernier, un autre risque demeure : la déchéance de la marque (partielle notamment).

Lorsqu’une marque est enregistrée, son déposant ou titulaire a une obligation d’usage. La marque doit être utilisée pour tous les produits et services désignés contenus dans le libellé (au-delà de la 5ème année d’enregistrement de la marque).

Un libellé trop large peut, au final, affaiblir la protection de la marque. En effet, la déchéance de la marque peut être demandée pour les produits ou services pour lesquels la marque n’est pas utilisée par son déposant ou titulaire.

Plus le libellé de produits et services sera clair et précis et correspondra exactement à l’usage réel qui en est fait ou sera fait et plus la marque aura une protection forte.

 

L’exigence de précision et de clarté du libellé est-elle motif de nullité de la marque ?

Dans une affaire récente (CJUE 29 janvier 2020 « Skykick »), la question posée à la Cour de Justice de l’Union Européenne était de savoir si l’exigence de clarté et de précision du libellé était un motif de nullité de la marque.

En effet, l’exigence de précision et de clarté est un motif de refus d’enregistrement de la marque lors du dépôt. Mais est-elle aussi un motif de nullité de la marque a posteriori ?

Dans cette affaire, l’un des produits litigieux dont la clarté et la précision étaient appréciés était le « logiciel ». Ce terme peut, aujourd’hui, être considéré comme un terme plutôt général car les logiciels peuvent concerner des matières très différentes. Un logiciel de gestion d’un outil médical et un logiciel de gestion d’un outil agricole sont, en pratique, des produits très différents.

Par conséquent, une entreprise qui dépose une marque désignant le produit « logiciel » sans autre précision alors qu’elle ne développe que des logiciels pour des outils d’aide à la cuisine par exemple visera une catégorie de produits bien plus large que les produits qu’elle commercialise réellement sous sa marque.

La Cour de Justice ne s’est pas prononcée sur le caractère précis ou clair des « logiciels ». Mais elle a considéré que si l’exigence de clarté et de précision du libellé était bien un motif de refus d’enregistrement, elle n’était pas pour autant un motif de nullité de la marque.

Compte tenu de la constance de la jurisprudence sur le point de l’exigence de clarté et de précision du libellé, il est fort possible que le terme « logiciels » sans autre précision devienne très bientôt un terme considéré comme trop vague et imprécis.

Dès à présent, les déposants de demande de marque doivent donc être vigilants lors de la préparation de leur dépôt et ne pas prendre à la légère l’étape de la rédaction du libellé qui conditionne la pertinence des vérifications d’antériorités des marques lors de l’analyse de disponibilité et qui engage la protection de la marque pour des décennies.

Pour plus de prudence, il est préférable de faire appel à un Conseil qui pourra prendre se charger de la rédaction du libellé.

 

Si vous avez des questions sur la rédaction du libellé ou souhaitez être accompagner pour le dépôt de votre demande de marque, n’hésitez pas à nous contacter.

Olivia BELOUIN, Sylvie DEGEZ